11 novembre : le Bleuet, cette fleur symbole, qui poussait sur les champs de bataille

 À l’occasion du centenaire de l’armistice, revenons sur l’histoire de cette fleur bleue, emblème des victimes de la Grande Guerre aujourd’hui vendue par des bénévoles de l’Œuvre nationale du Bleuet de France.

En Grande-Bretagne, le froid de novembre apporte une fleur aux pétales rouge sang. Alors que les arbres se dénudent, le coquelicot, symbole de la Grande Guerre, vient fleurir les poitrines de citoyens du pays entier, en mémoire des dix millions de personnes qui ont péri entre 1914 et 1918. Le «remembrance poppy» est vendu aujourd’hui sous la forme de badges, broches ou pin’s par des bénévoles de la Royal British Legion tandis que résonne la devise «lest we forget» («qu’on se souvienne»), tirée du poème Recessional de Rudyard Kipling.

» LIRE AUSSI – Général Jean-Pierre Bosser: «Ce que les soldats d’aujourd’hui doivent aux poilus d’hier»

En France bourgeonne sa fleur jumelle, le Bleuet. Cette plante aux pétales azurés est le symbole de la mémoire et de la solidarité des combattants dans l’Hexagone. À l’instar de son dizygote d’outre-Manche, patches, autocollants et autres accessoires le représentant sont vendus aussi par des bénévoles. Ces volontaires de l’Œuvre nationale du Bleuet de France, association reconnue d’utilité publique et placée sous l’autorité de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, recueillent des fonds afin de venir en aide aux vétérans et veuves de guerre. Sans oublier les soldats blessés en opération de maintien de la paix, aux pupilles de la Nation et désormais aux victimes du terrorisme.

– Nicolas Offenstadt : « La mémoire de 1918 est très présente chez les Français » – Regarder sur Figaro Live.

  • Symbole de réinsertion par le travail

On doit la création du Bleuet de France à deux infirmières. Suzanne Lenhardt, veuve d’un capitaine d’infanterie, et Charlotte Malleterre, fille et femme de général. Touchées par le sort des blessés de guerre et «gueules cassées»dont elles s’occupent à l’hôpital militaire des Invalides, elles organisent des ateliers durant lesquels sont brodées ces fleurs à l’aide de tissu et papier journal dès 1916. Les recettes sont alors versées à ces patients afin de leur fournir un semblant de salaire. Les bleuets deviennent alors un modèle de réinsertion par le travail.

» LIRE AUSSI – Grand-angle: Femme dans la Grande Guerre

Le choix du bleuet n’est pas anodin. Avec le coquelicot, cette fleur est la seule à pousser au milieu du chaos des no man’s land des champs de bataille de la Première Guerre mondiale. En outre les «bleuets» étaient le nom donné aux nouveaux arrivants sur le front, dont la couleur de l’uniforme immaculé contrastait avec celui des Poilus aguerris aux combats des tranchées.

Au cours des années 1920, les initiatives sont prises pour instituer le Bleuet comme symbole des morts pour la France, sous l’impulsion de Louis Fontenaille, président des Mutilés de France. En 1928, le chef de l’État, le «conciliateur» Gaston Doumergue, appuie cette initiative et accorde son parrainage au Bleuet de France afin de «venir en aide à ces hommes qui ont sacrifié leur jeunesse à défendre la France». Sept ans plus tard, la vente de la fleur est officialisée dans tout le pays le 11 novembre.

» LIRE AUSSI – 11 novembre: portons fièrement le bleuet de France!

Depuis 1945, on le voit également éclore au printemps. Tous les 8 mai, plus précisément, date de la Victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie lors de la Seconde Guerre Mondiale. Il a été remis sur le devant de l’estrade par François Hollande, lors des commémorations de 2012. Cette année, pour le centenaire de l’armistice du 11 novembre, la Monnaie de Paris a émis une pièce commémorative de deux euros, tirée à 15 millions d’exemplaires, représentant… le Bleuet de France.

– 1918: doit-on célébrer la paix ou la victoire ? – Regarder sur Figaro Live.

Par Robin Cannone | Le Figaro

L’écrivain Maurice Genevoix et « ceux de 14 » vont entrer au Panthéon

Le President de la République, Emmanuel Macron, veut rendre hommage à Genevoix, qui fut blessé en 1915 et raconta son expérience du front, mais aussi à la « nation combattante ».

Maurice-Genevoix-Academicien_credit-Famille-Genevoix

L’écrivain Maurice Genevoix et « ceux de 14 » vont entrer au Panthéon l’an prochain afin de rendre hommage à « l’armée victorieuse » de la Grande Guerre, a annoncé Emmanuel Macron mardi 6 novembre lors de son passage aux Eparges, dans la Meuse, à l’occasion des commémorations du centenaire de l’armistice.

« Je souhaite que l’an prochain, ceux de 14, simples soldats, officiers, engagés, appelés, militaires de carrière, sans grade et généraux, mais aussi les femmes engagées auprès des combattants, car ceux de 14 ce fut aussi celles de 14, toute cette armée qui était un peuple, tout ce grand peuple qui devint une armée victorieuse, soient honorés au Panthéon », a déclaré le chef de l’Etat aux Eparges, théâtre de combats en 1915. « Je souhaite qu’ils franchissent ce seuil sacré avec Maurice Genevoix, leur porte-étendard », a-t-il ajouté.

Il y a aura ainsi, a précisé l’Elysée, deux panthéonisations simultanées, celle de Genevoix et celle, « à titre collectif », de « ceux de 14 », « incarnant la nation combattante, composée des civils appelés sous le drapeau et des militaires de carrière engagés dans les combats, mais aussi des femmes qui les ont accompagnés sur le front ».

Cette panthéonisation collective est une première, même s’il existe déjà au Panthéon une plaque d’hommage aux Justes de France, qui s’étaient distingués en protégeant des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Le président de la République a souhaité également « que le 11 novembre prochain un mémorial soit dévoilé afin que la Nation rende l’hommage qui leur est dû » à « ceux de 14 ».

Emmanuel Macron tenait à saluer aux Eparges la mémoire de Maurice Genevoix (1890-1980), l’un de ses écrivains préférés, qui y a été blessé et en a fait le récit saisissant dans son recueil Ceux de 14. « Genevoix fut le chantre de cette mémoire. Par lui, la voix de ceux de 14 ne cesse de nous exhorter à ne pas baisser la garde et à conserver intacte notre vigilance quand le pire de nouveau réapparaît », a souligné le chef de l’Etat.

Cette entrée de Genevoix au Panthéon, au milieu des grandes figures de la Nation, était souhaitée par la famille de l’auteur de Raboliot, disparu en 1980. « Maurice Genevoix s’est imposé petit à petit comme le porte-parole des soldats de 1914, donc à travers lui rentrent au Panthéon tous les soldats de 1914 », s’est réjoui Julien Larere-Genevoix, le petit-fils de l’écrivain.

genevoix_0

Le Monde du 6 novembre 2018

Centenaire de la Grande Guerre : une semaine de commémorations

Jusqu’au 11 novembre 2018, date du centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale, de nombreuses cérémonies de commémoration sont prévues en France. A l’initiative notamment de son président Emmanuel Macron parti en « itinérance » dans les ex-zones de combats. Une initiative à objectifs mémoriel, politique et diplomatique.

ossuaire_de_Douaumont-1024x663

Chaque jour de la semaine jusqu’au 11 novembre, Emmanuel Macron fera étape dans les lieux qui ont fait l’Histoire de cette guerre interminable (1 562 jours de combats de tranchées qui ont fait près de 10 millions de morts, rien que pour les militaires). Il va visiter ces régions du nord et de l’est de la France qui en portent encore les stigmates : de nombreux obus sont recrachés chaque année par les ex-champs de bataille.

Dès ce lundi, le chef de l’Etat se rend à Morhange, théâtre d’une défaite cuisante de l’armée française : 27 000 tués dans la seule journée du 22 août 1914. Mardi 6 novembre, il sera à Verdun, surnommée « la mère des batailles » pour visiter l’ossuaire de Douaumont. Le président de la République ira aussi aux Eparges, village de l’écrivain Maurice Genevoix, auteur d’un ouvrage de référence, intitulé Ceux de 14. Un peu plus tard dans la semaine, le Chemin des dames et la bataille de la Somme. Avec une constante : rendre hommage aux soldats, héros de cette guerre, plutôt qu’aux chefs militaires, les Foch, Joffre, Clemenceau, a fortiori Pétain.

Pourquoi les mettre au second plan ? L’historien Nicolas Offenstadt, auteur de l’ouvrage 14-18 aujourd’hui : la Grande Guerre dans la France contemporaine explique qu’ils ont été très critiqués dès l’époque, soit « pour leurs erreurs stratégiques, soit pour leur peu de considération pour les vies humaines ». Il rappelle que ce conflit a été « une guerre de masse », citant l’exemple du Soldat inconnu qui repose sous l’Arc de triomphe. Nicolas Offenstadt y voit « un basculement dans le régime mémoriel. L’humble, le petit soldat de la tranchée est au centre du culte ».

  • Renouer le fil

Dans cette optique, Emmanuel Macron sera mercredi à La Flamengrie, petit village où le 7 novembre 1918 retentit le premier coup de clairon annonçant le cessez-le-feu. Un monument y rend hommage à la ténacité des poilus, les combattants français : instituteurs, paysans, ouvriers, les sans-grade, tous ceux avec qui le chef de l’Etat veut aujourd’hui renouer le fil. Il va d’ailleurs s’arrêter dans une usine automobile, dans le bassin minier, dans une maison de retraite en milieu rural. Dans ces zones frappées par la crise économique après avoir été meurtries par la guerre.

  • Accent sur la paix

Lors de ce déplacement au long cours, Emmanuel Macron rendra hommage aussi aux combattants étrangers. Ce sera notamment jeudi 8 novembre lors de la visite au mémorial international de Notre-Dame de Lorette, sur lequel sont gravés les noms de 600 000 soldats de toutes les nationalités. Vendredi, ce sera la nécropole franco-britannique de Thiepval en compagnie de Theresa May. Dès mardi à Reims, recueillement devant le Monument aux héros de l’Armée noire pour un hommage aux tirailleurs sénégalais qui ont défendu la ville pendant la Première Guerre mondiale.

Plusieurs pays africains sont invités. Le président malien Ibrahim Boubacar Keita sera présent. Cette semaine de commémorations prendra en effet une tournure diplomatique. Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel seront ensemble le 10 novembre à Rethondes, à une centaine de kilomètres au nord de Paris. Dans la clairière où à l’intérieur d’un wagon a été signée la fameuse capitulation à 5h15 du matin. Un moment qui s’annonce extrêmement solennel.

Le lendemain matin, dimanche 11 novembre, des dizaines de chefs d’Etat issus des pays qui ont participé à la guerre seront réunis sous l’Arc de Triomphe à Paris pour raviver la flamme du soldat inconnu. Donald Trump et Vladimir Poutine sont annoncés. Un déjeuner est ensuite prévu à l’Elysée, avant l’ouverture par Angela Merkel et le secrétaire général de l’ONU d’un forum de la paix. L’armée française rendra quant à elle hommage aux maréchaux qui ont dirigé les combats, ceux qui sont inhumés aux Invalides. Mais sans le président de la République.

Par Bruno Faure | RFI